Un peu d'histoire
II - La naissance de la CGT-FO (1945-1950)
III - L'affirmation de la CGT-FO (1950-1989)
IV - Une nouvelle époque : celle de la nécessaire résistance sociale
V - Le syndicat des personnels de statut central Force ouvrière de Bercy (SPSC FO Bercy)
I - La CGT de 1895 à 1945
La Confédération Générale du Travail naît à Limoges en 1895. La CGT se constitue en associant dans une même organisation les syndicats regroupés par Fédérations d'industrie et les syndicats de toutes branches regroupés localement dans les Bourses du Travail.
C'est à partir de cette double origine que se comprend jusqu'aujourd'hui la structuration de la CGT comme de la CGT-FO en Unions Départementales d'une part et en Fédérations d'autre part. Le Comité Confédéral National (CCN) de FO, instance d'orientation entre deux congrès, est constitué des représentants de chaque UD et de chaque Fédération.
Le texte fondateur du syndicalisme CGT originel est adopté en 1906 par son congrès d'Amiens. Il est connu sous le nom de Charte d'Amiens. On s'accorde à le reconnaître d'inspiration "anarcho-syndicaliste".
Par-delà son origine historique, ce texte a toujours pour l'essentiel une totale actualité et reste le texte fondateur du syndicalisme FO. Il comporte quatre points :
- la "reconnaissance de la lutte des classes", c'est-à-dire la reconnaissance d'un conflit fondamental qui traverse la société et qui oppose ceux qui travaillent et ceux qui exploitent la force de travail.
- le but immédiat du syndicalisme est de poursuivre "la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc."
- le but ultime, que prépare la besogne précédente, réside dans "l'émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste" ; le moyen d'obtenir cette émancipation réside dans la "grève générale" ; le syndicat devra devenir de "groupement de résistance" un "groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale"
- le dernier point concerne l'indépendance réciproque de l'organisation syndicale et des organisations politiques, il vaut d'être cité intégralement : " en ce qui concerne les individus, le congrès affirme l'entière liberté, pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe au-dehors. En ce qui concerne les organisations, le congrès décide qu'afin que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet, l'action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ".
C'est évidemment cette dernière clause qui sera appelée à jouer un rôle historique majeur dans la constitution de la tradition syndicale française, tout à fait différente de la britannique, de l'allemande, de la belge ou de l'américaine (pour ne prendre que quelques grands repères).
Sa première partie, qui concerne la liberté de pensée des individus, implique que l'organisation syndicale n'a pas à imposer de doctrine officielle ou de vision du monde ; en ce sens, la CGT est une Confédération de " libres-penseurs ", se fondant sur l'autonomie de jugement des "individus", reconnus dans leur autonomie. L'organisation syndicale n'est en ce sens ni une église, ni un parti.
Sa seconde partie, qui concerne les partis et les " sectes ", fonde l'indépendance du syndicalisme français par rapport aux partis politiques, et plus particulièrement ici le Parti Socialiste, unifié depuis 1905 dans la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière).
Il est clair que ce texte, auquel FO va se référer à titre de texte fondateur, sera d'un grand intérêt dans les polémiques et les combats qui traverseront la CGT entre ceux voulant soumettre le syndicalisme à un projet politique et ceux voulant préserver son indépendance.
1909 : Léon Jouhaux devient secrétaire général de la CGT, à 30 ans.
La Guerre de 1914-1918 mesure les limites de l'indépendance syndicale : la CGT est divisée entre une majorité (dont la direction) ralliée à l'Union Sacrée et à l'effort de guerre, et une minorité, pacifiste, dénonçant la guerre et soulignant la nécessité de maintenir l'activité revendicative.
1919 : création de la CFTC, qui deviendra CFDT en 1964 par la volonté de sa majorité (sa minorité constituant la CFTC maintenue, qui existe toujours).
1921 : scission entre la CGT et la CGTU (" U " comme " unitaire "), laquelle regroupe au départ les éléments (divers) de la CGT hostiles à la Guerre et se reconnaissant dans la perspective révolutionnaire ouverte en Russie. La CGTU devient rapidement l'instrument syndical du Parti communiste progressivement stalinisé. La CGT redevient de loin la Centrale majoritaire, tandis que la CGTU se marginalise.
1924 : reconnaissance légale des syndicats de fonctionnaires, qui rejoignent la CGT.
1936 : en mars, réunification de la CGT (la division demeure toutefois en fait entre les " confédérés " et les " unitaires ", issus de l'ex CGTU)
1939 : exclusion des dirigeants " unitaires " de la CGT refusant de condamner le Pacte germano-soviétique.
1943 : dans la clandestinité, " accords du Perreux " réunifiant la CGT.
II - La naissance de la CGT-FO (1945-1950)
En 1945, le rapport des forces est nettement favorable aux ex "unitaires", en clair les communistes staliniens; ils contrôlent 21 fédérations sur 30.
Les ex "confédérés" sont regroupés autour du journal clandestin Résistance Ouvrière, créé en 1943, et autour de la figure historique de Léon Jouhaux, rentré de déportation le 8 mai 1945. Le journal Résistance Ouvrière devient Force Ouvrière.
Dans un premier temps, et pendant plus d'un an, la perspective des "confédérés" consiste à obtenir ce qu'ils appellent le "redressement interne" de la CGT, sur les principes de la vieille CGT ; il n'est donc pas question d'une scission.
Le créneau des "confédérés" est tout naturellement celui de l' "indépendance syndicale" ; indépendance vis-à-vis du PCF, bien sûr, mais aussi vis-à-vis du gouvernement.
C'est que, de 1945 à 1947 le PCF a des ministres au gouvernement ; les syndicats contrôlés par le PCF sont donc contraints de se transformer en activistes de la "production nationale", et de mettre sous le boisseau toutes les revendications. C'est l'époque où Thorez, le chef du PCF, déclare : "la grève, c'est l'arme des trusts".
En septembre 1945, lors du premier CCN depuis la Libération, les communistes s'avèrent majoritaires ; ils prennent la majorité au Bureau Confédéral et imposent un second secrétaire général, en la personne de Benoît Frachon, membre du Bureau politique du PCF depuis 1928.
La politique de prise de contrôle systématique par l'appareil communiste, en même temps que l'étouffement des revendications, conduisent à une tension, y compris physique, qui s'accroît de semaine en semaine.
En août 1946 une scission se produit dans la Fédération des PTT. En septembre, prenant acte de l'échec de la tactique dite du "redressement interne", les " confédérés " constituent les groupes d' "amis de Force Ouvrière", amorce d'une organisation syndicale parallèle à la CGT.
C'est l'année 1947 qui précipite les choses. En mai, les ministres communistes sont exclus du gouvernement. En septembre Moscou condamne le Plan Marshall et exige de tous les PC qu'ils suivent cette condamnation et rompent avec les gouvernements en place. La CGT se lance à corps perdu dans l'agitation, en pratiquant la surenchère revendicative et en donnant une forme quasi insurrectionnelle aux conflits.
La tension consécutive à ces événements précipite la scission, qui est accomplie par la seconde conférence nationale des groupes FO les 18 et 19 décembre 1947. Le 19 décembre, Léon Jouhaux et 4 secrétaires confédéraux quittent la CGT.
Dans l'improvisation des premiers mois, FO reçoit l'aide internationale de syndicats belges, suisses et de l'AFL américaine (d'où la légende des fonds de la CIA). Le ministère du Travail verse également des subsides, pris sur les fonds de l'ex Charte du travail (extorqués aux travailleurs par le gouvernement de Pétain).
Il est évident que la création de FO est un enjeu politique et de politique internationale, au moment où la CGT s'aligne totalement sur Moscou. Il est clair que l'indépendance de FO aurait pu sombrer, si les dirigeants et les syndicalistes authentiques qui ont constitué FO n'avaient été soutenus par toute une tradition, celle de la vieille CGT. Le Congrès constitutif a lieu le 12 avril 1948.
Les structures adoptées sont celles de la vieille CGT et l'appellation choisie est claire : CGTFO. Il ne s'agit donc pas de créer un nouveau syndicat, ou un nouveau syndicalisme, au goût de la Guerre Froide, il s'agit de continuer la vieille CGT, celle de la Charte d'Amiens. Léon Jouhaux devient président de la CGT-FO, et Robert Bothereau secrétaire général.
En 1950, une estimation du Ministère du Travail donnait les chiffres suivants : 1 500 000 adhérents pour la CGT, 400 000 pour la CFTC et 350 000 pour FO. Aux élections à la Sécurité Sociale de la même année, la CGT recueillait 43,5 % des suffrages (contre 59,3 en 1947), la CFTC 21,3 et FO 15,1 %.
Pour les créateurs de FO, la grande déception est venue du refus de la FEN (Fédération de l'Education Nationale, membre de la CGT) de les rejoindre, alors même qu'ils les avaient accompagnés dans leur résistance contre l'emprise communiste. Or la FEN choisit l'autonomie pour éviter son éclatement, une autonomie "provisoire", qui deviendra vite visiblement définitive.
La première initiative d'ampleur de la CGT-FO est l'appel à la grève interprofessionnelle du 25 novembre 1949. Il s'agissait d'obtenir, après plus de dix années de dirigisme étatique le retour à la libre négociation des salaires et des conditions de travail, à travers des contrats collectifs librement négociés entre patronat et syndicats. La loi du 11 février 1950 viendra donner raison à FO, loi qui établissait le cadre des Conventions collectives et attribuait à l'Etat le devoir de fixer le salaire minimum (SMIG).
Dès lors, la convention collective librement négociée entre patronat et syndicat deviendra l'axe majeur de la pratique syndicale FO. Cet axe consacre et renforce l'insistance sur l'indépendance syndicale : le syndicat doit pouvoir négocier avec le patronat, sur la base des rapports de forces, le cadre collectif, le statut collectif qui garantit les droits des travailleurs. C'est par la Convention collective que les travailleurs existent en force organisée, disposant de droits, et non plus comme poussière d'individus éparpillés dans les entreprises et soumis à la pression locale des patrons.
III - L'affirmation de la CGT-FO (1950-1989)
Entre 1950 et les débuts de ce qu'il est convenu d'appeler la Crise économique (environ 1975), la CGT-FO va grandement contribuer à faire "engranger" à la classe ouvrière une part des bénéfices de l'essor économique.
Cela s'est fait par une culture de la négociation et de la Convention collective. Par opposition à la CGT, FO va privilégier durant toute cette période, partout où cela était possible, la négociation, en faisant de la grève un usage aussi modéré et efficace que possible.
Cela a valu à FO la réputation, surtout aux lendemains de 1968, de syndicat "modéré", de "syndicat de la signature", à une époque où la CGT et plus encore la CFDT adoptent un ton volontiers "révolutionnaire".
Une citation d'André Bergeron, secrétaire général depuis 1963, illustre très bien la politique FO. Bergeron déclarait au congrès FO de 1971 : "La politique contractuelle, en facilitant la discussion permanente à travers la mise en contact des hommes appelés à dialoguer, à négocier, souvent à s'affronter, en définitive à conclure, est un aspect de la démocratie (…). Le syndicalisme engagé dans l'action contractuelle, pour défendre les intérêts permanents des travailleurs, est un puissant contrepoids aux tendances oppressives sécrétées par les Etats modernes. Il contribue ainsi à équilibrer les notions d'efficacité et de liberté".
Bergeron ne nie pas le constat qui ouvre la Charte d'Amiens, à savoir celui d'un fondamental conflit d'intérêts entre ceux qui vendent leur force de travail et ceux qui l'achètent et en font usage pour leur profit. Il suppose toutefois que, dans cette période tout au moins, la négociation entre les deux forces est possible en vue d'un compromis (qui est le contrat collectif). Il est possible de conclure. C'est-à-dire qu'il est possible au syndicat de signer un contrat qui assure un statut et des droits collectifs, une progression du salaire, une diminution du temps travaillé.
Bergeron insiste d'autre part sur ce qui fait le fond de la "doctrine" FO, fidèle à la Charte d'Amiens aussi, à savoir la conception du syndicat comme "contrepoids". De nouveau cette idée suppose bien la vision du champ social comme rapport de forces, avec l'idée que le progrès social et économique est comme la résultante de ces forces qui se composent. Quand la loi du profit est sans contrepoids, alors l'histoire recule, les droits se perdent, la vie redevient barbare ; quand le poids du travail équilibre ou surpasse le poids du profit, alors l'humanité peut reprendre sa marche en avant. Voilà un peu le sens de la notion de contrepoids social.
Mais contrepoids, cela signifie aussi indépendance. Indépendance à l'égard de l'Etat, comme le souligne bien Bergeron. Le syndicat n'est pas un pouvoir, ni un contre-pouvoir : il n'a pas vocation à gérer, parce qu'on ne peut être à la fois dirigeant et dirigé, employeur et employé, ou faire croire qu'employeurs et employés auraient les mêmes objectifs, ou viseraient le même "bien commun".
A la même époque, la CGT, et surtout la CFDT, se veulent au contraire des "contre-pouvoirs", ce qui signifiera que, comme on l'a vu depuis, lorsque la "gauche" sera au pouvoir, CGT et CFDT se mettront à son service et lui serviront de relais syndical.
Il y a une solidarité profonde dans la CGT-FO entre l'insistance sur la négociation collective, le thème de l'indépendance syndicale, et la notion de contrepoids. Au fond, comprendre cette solidarité, c'est comprendre toute la "doctrine" FO et en même temps tout ce qui la sépare de la doctrine de la CGT et de celle de la CFDT.
Au-delà de l'obtention de bonnes conventions collectives, il y a deux axes qui caractérisent l'activité de FO : la défense et la promotion des services publics, réalisations partielles mais concrètes de la République sociale, et la défense et la promotion de la Sécurité sociale, dans un cadre paritaire (il ne faut pas oublier que c'est FO qui, depuis les lendemains de la Guerre a fait vivre la Sécurité sociale, qui est en un sens sa création, jusqu'à son étatisation par le Plan Juppé puis la politique Aubry).
Pour revenir sur le terrain politique et sur le thème de l'indépendance, il est clair qu'il y avait un danger qui guettait FO dès sa naissance, à savoir sa dépendance à l'égard du parti socialiste (SFIO). Il aurait pu se faire en effet qu'à la fin des années quarante et dans les années cinquante, FO tombe sous la coupe de la SFIO, comme la CGT était sous la coupe du PCF, c'est-à-dire de Moscou, et la CFTC sous la coupe du MRP, c'est-à-dire du Vatican. Cela aurait été en un sens dans la malheureuse logique des choses.
Même s'il y a eu des ambiguïtés, d'inévitables compromissions, cela ne s'est pas réalisé. D'abord, et c'est l'essentiel, parce qu'il y avait la tradition de la Charte d'Amiens et de la vieille CGT, et cela comptait énormément, et notamment dans l'esprit des militants, à la base ou au sommet, qui ont fondé FO.
Deux autres facteurs ont compté. D'abord le gaullisme, qui, installé au pouvoir, a annihilé la SFIO. Ensuite (mais c'est la suite logique) le Congrès socialiste d'Epinay, en 1971, qui a mis fin à la SFIO, fondé le "PS", et a amené à la direction du PS "modernisé" des hommes de gauche n'ayant rien à voir avec la tradition socialiste mais partageant plutôt les valeurs de la CFTC, devenue CFDT en 1964.
La fin des années soixante et les années soixante-dix vont accentuer encore l'indépendance et l'originalité de FO dans le "paysage" syndical français et européen.
En 1969 FO appelle à voter "non" au référendum proposé par De Gaulle. Ce référendum avait un double objectif : la mise en œuvre de la régionalisation et la création d'un Sénat corporatiste, associant dans une même Chambre les représentants des "intérêts économiques", c'est-à-dire patronat et syndicats, comme c'était le cas dans la "Charte du Travail" du régime de Vichy.
En 1972 FO refuse d'entrer, comme le font la CGT et la CFDT, dans le cadre de l'Union de la Gauche, scellée autour du fameux "Programme commun". Le syndicalisme ne saurait aliéner son indépendance dans la poursuite d'objectifs politiques.
En 1981, FO n'entre pas au gouvernement, et refuse tout organe de liaison institué avec le gouvernement de gauche. FO maintient les revendications et refuse, en 1982, d'accepter l'austérité au nom des intérêts supérieurs de la gauche au pouvoir.
L'indépendance de FO est dès lors éclatante, autant que la compromission parallèle de la CGT, toujours soumise étroitement aux impératifs politiques du PC, qui est alors au gouvernement, de la CFDT (dont les dirigeants peuplent les ministères) et de la FEN (dont le dirigeant E. Henry est nommé "ministre du temps libre"…, faisant un mal incalculable aux enseignants).
Cela vaut à FO d'excellents résultats de syndicalisation, et une nette progression aux élections à la Sécurité sociale de 1983, où la barre des 25% est atteinte. C'est des années 80 et de ce contexte que date le renforcement et la modernisation de FO.
En 1984, la Confédération Cgt-FO rompt l'accord tacite qui la liait avec la FEN pour ne pas empiéter sur le champ de syndicalisation du monde enseignant. Un syndicalisme FO se structure dans l'enseignement, constitué pour une large part de militants issus d'une des tendances de la FEN.
Aux élections professionnelles de l'Education Nationale de 1984, les listes FO, sur un créneau laïque et anti-pédagogiste, rencontrent un succès inattendu (souvent plus de 20% des voix dans le second degré, au détriment du Snes-Fen). C'est de cet épisode que naît le syndicalisme FO dans l'enseignement, qui, après sa percée, a dû lutter pour se maintenir et pour compter : en butte à l'hostilité sans merci du ministère et des "pédagogues", au boycott des médias, et à la volonté farouchement monopoliste de la FEN (et de sa scission de 1991, la FSU).
IV - Une nouvelle époque : celle de la nécessaire résistance sociale
En 1989, Marc BLONDEL succède à André BERGERON à la tête de la Confédération. Ce changement de personne marque aussi un changement d'époque : les illusions de la "gauche" au pouvoir ont vécu et l' "alternance" est passée par là ; l'austérité est bien installée, la misère gagne des secteurs de plus en plus larges de la société, mettant à mal l'ensemble du système de droits collectifs et de protection sociale hérité des conquêtes de 1936 puis de 1945.
Le moment est venu pour le capitalisme financier, et cela au niveau mondial, de prendre une revanche. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont les premiers à y passer, avec férocité. "Gauche" ou "droite", la France y passe aussi, mais plus lentement, en raison notamment d'une longue tradition de résistance sociale. Mais avec la "gauche plurielle", et la loi Aubry notamment, le processus s'accélère.
Paradoxalement, c'est dans les pays réputés pour la force de leur syndicalisme (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, par exemple), que la réaction capitaliste (connue sous le nom de "libéralisme" ou "néo-libéralisme") frappera le plus fort et ira le plus loin dans le démantèlement des institutions ouvrières. Et c'est en France, avec ses syndicats si "faibles et divisés", comme le répètent la Presse, que ces institutions résisteront le mieux (rappelonsnous novembre-décembre 1995 contre le plan Juppé).
Cela signifie simplement que la force d'un syndicat ne tient pas ou pas seulement au nombre de ses adhérents : c'est en Grande-Bretagne sans doute qu'ils étaient proportionnellement les plus nombreux et c'est là que les reculs ont été les plus dramatiques ! La tradition de la Charte d'Amiens, qui est aussi celle de l'anarcho-syndicalisme, a dessiné en France un syndicalisme moins nombreux mais somme toute fort d'une plus grande indépendance et donc plus résistant.
Toujours est-il que l'époque Blondel n'est plus l'époque Bergeron. Inutile de supposer que les "gauchistes" auraient pris clandestinement le pouvoir à FO, scénario préféré des policiers de tous bords. La politique Bergeron ne pourrait tout simplement plus avoir cours aujourd'hui. Comme le disait Blondel, interrogé par les journalistes sur sa différence par rapport à Bergeron et l'étonnement qu'elle suscitait, et notamment le fait que FO était plus revendicative et moins prête à signer des accords : "pour signer, il faut être deux".
Autant, dans les années soixante et soixante-dix le patronat était prêt à signer des accords, au gré toujours bien sûr des rapports de forces, autant FO pouvait les signer et "engranger" des acquis, pendant que Cfdt et Cgt parlaient d' "autogestion" et de "socialisme", autant aujourd'hui les seules signatures proposées ne peuvent signifier que l'annihilation des acquis. Voilà pourquoi maintenant c'est la Cfdt qui signe, et, de plus en plus, la Cgt.
Il est clair cependant que la culture du contrat collectif, de la négociation, n'ont pas disparu de l'esprit FO, puisqu'ils expriment son identité ; et, de fait, des accords collectifs sont encore signés. Mais le patronat, qui domine le rapport des forces, ne veut plus de "contrats collectifs". Il ne cesse de le dire : il veut de l'individualisation, il veut pouvoir revenir à la situation du XIXe siècle où l'employé était seul, isolé et écrasé devant le patron avec qui il concluait le contrat de travail.
Et le patronat est puissamment aidé en cela par la loi qui exprime le mieux la nature de la "gauche plurielle", la loi Aubry, prétendument faite en vue des "35 heures", réellement faite pour annualiser, flexibiliser et individualiser. La loi Aubry permet en effet à l'employeur de négocier le temps de travail non pas seulement au niveau de l'entreprise, mais au niveau individuel…
La nouvelle époque que nous vivons est celle de la résistance sociale. Il y s'agit, ni plus ni moins, en défendant nos salaires, nos conditions de vie, nos institutions (sécurité sociale, retraite, etc.) de défendre la civilisation.
Le plus grand danger qui menace les syndicats dans une telle époque, c'est la perte de leur indépendance. L'indépendance syndicale, cette volonté farouche de ne soumettre les revendications des salariés à aucun prétendu "intérêt général", qui justifierait la destruction de la sécurité sociale, des retraites, l'annualisation, la flexibilité ET l'explosion des profits boursiers. Voilà pourquoi nous aimons à nous présenter ainsi : "FO, un syndicat qui reste un syndicat".
En février 2004 Jean-Claude Mailly a succédé à Marc Blondel à la tête de la Confédération.
V - Le syndicat des personnels de statut central Force ouvrière de Bercy (SPSC FO Bercy)
Le SPSC FO Bercy est apparu dans sa configuration actuelle en 2004. Il est l’héritier et le fédérateur de différentes formations syndicales de corps centraux des ministères économiques et financiers parmi lesquels :
- Le syndicat des contrôleurs et du personnel d’exécution de l’administration centrale des finances (fondé en 1953)
- Le syndicat des secrétaires d’administration centrale des finances (fondé en 1954)
- Le syndicat FO des cadres techniques et ouvriers du ministère des finances (fondé en 1957)
- Le syndicat FO des attachés d’administration du ministère des finances (fondé en 1958)
- Le syndicat des fonctionnaires de l’administration centrale des finances et des affaires économiques (fusion des syndicats des secrétaires, des contrôleurs et du personnel d’exécution en 1965)
Les compositions des bureaux, les titres des différents secrétaires généraux de l’époque, et les adresses des sièges sociaux sont aussi le reflet de l’histoire et de l’évolution de l’administration :
- Secrétaire général adjoint « des cadres D »
- Secrétaire général adjoint « des techniques »
- Siège 93 rue de Rivoli 75001 PARIS
Aujourd’hui, le SPSC FO Bercy rebaptisé FO Centrale de Bercy en 2017 perpétue la défense des droits des agents publics, fonctionnaires comme contractuels, des corps administratifs, techniques et médico-sociaux de statut central.